Crédits photos : Med Mhamdi
Tous les mois, Dauphine Culture met en lumière le parcours, le projet, ou la structure d’un ancien de notre réseau. En Mai, venez rencontrer Selim Arjoun, Pianiste, compositeur et producteur de musique. Selim nous parle à la fois de ce qui l’a poussé à faire notre master et ce que ce dernier a apporté à sa carrière, et nous offre une vision du secteur culturel en Tunisie sur fond de Révolution et d’évolutions. Enfin, il s’attache à nous donner sa vision du management culturel à travers les droits d’artiste.
Selim Arjoun, pianiste, compositeur et producteur de musique, FC Tunisienne 2020
Pourquoi avoir choisi le master MOC ?
J’ai choisi de faire le MOC parce que je manquais d’outils de management.
Je suis ingénieur du son de formation, et j’ai fait des études de cinéma pendant 5 ans. Mais c’étaient des études qui restaient assez théoriques, et j’ai bien senti qu’il me manquait quelque chose pour aller plus loin. Surtout que dans notre époque, je pense qu’en tant qu’artiste, il faut aussi avoir une casquette de manager.
J’ai eu le déclic le jour où j’ai lancé un album avec mon groupe, nous avons fait beaucoup d’erreur surtout en ce qui concerne le management de projet, ce qui a eu pour résultat de créer beaucoup de problèmes lors de la sortie. En parallèle, je travaillais sur un projet appelé Tunisie 88 , pour la réalisation de ce dernier j’ai rencontré beaucoup de managers culturels, des personnes qui elles savaient gérer des projets de grande envergure, et j’ai vu toute la différence. C’est à ce moment-là que je me suis inscrit au MOC.
Quel a été l’impact de cette formation ?
Cela a été une très belle aventure, j’ai appris beaucoup de choses de mes professeurs et de mes camarades.
Aujourd’hui tous les outils que nous avons étudié en cours, je les utilise dans mon métier, par exemple la création d’un budget, la gestion d’une équipe, la négociation/ création d’un contrat, la connaissance de mes droits en tant qu’artiste.
En termes d’évolution de carrière, d’abord j’ai ressenti que mes méthodes de travail étaient plus structurées, et que cela donnait un souffle nouveau à ma musique. J’ai également remarqué que les projets que je mène sont d’une taille plus importante, avec plus d’acteurs et plus d’ambition ; un peu comme si la formation avait été un tremplin.
Pouvez-vous nous parler du poste que vous occupez ?
Dans le poste que j’occupe actuellement, j’ai à la fois une casquette artistique et une casquette manager. Je suis d’une part compositeur et pianiste, donc je travaille par exemple sur des musiques de film, des arrangements… Je suis également co-fondateur d’un groupe de musique nommé Aytma depuis 2016. Je suis d’autre part manager, donc je m’occupe aussi de la partie logistique, je m’occupe des devis, de la coordination entre les différents artistes, de faire les dossiers de subvention… Pour finir, je dirais que je travaille beaucoup en équipe et que cela est important pour moi. J’aime la diversité, même si je sais déjà faire des choses, j’essaie toujours de trouver des personnes qui sont spécialistes du sujet, ou des personnes qui travaillent sur de nouvelles technologies afin d’obtenir une création de qualité toujours à la pointe.
Les + et les moins du métier (3 plus / 3 moins)
Les plus :
• L’épanouissement : mon métier est aussi ma passion
• Les rencontres de nouvelles personnes : toujours enrichissantes 😉
• L’aventure : tous les projets sont différents, et en lancer un nouveau est toujours une aventure
Les moins :
• L’exigence du métier qui demande du souffle
• Le risque que le projet ne soit pas un succès
Quelles sont les particularités de votre secteur d’activité ?
En Tunisie le secteur de la musique n’est pas encore structuré. Par exemple pour les droits culturels, il n’y a pas de structure comme la SACEM capable de redistribuer. Personne ne prévient l’artiste quand sa musique est utilisée, et l’artiste n’est pas payé en droit d’auteur.
Et le secteur est encore très lié aux subventions de l’Etat.
Toutefois, je reste positif, nous sommes beaucoup de jeunes artistes, et de managers culturels qui veulent faire évoluer les choses. Depuis 2011, il y a une vraie prise de conscience et une certaine évolution vers plus d’indépendance, vis-à-vis de l’Etat notamment.
Pouvez-vous donner 3 compétences qu’il faut pour exercer votre métier ?
• Patience
• Organisation
• Flexibilité
Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans le secteur de la Culture ?
Je me suis laissé guider par ma passion. Je fais de la musique depuis mes 9 ans. Et d’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours aimé en faire. La musique et le cinéma m’ont permis de découvrir le secteur de la Culture en tant que débouché professionnel. Je me suis retrouvé dedans et je n’ai plus voulu en sortir ^^
Quel est votre regard sur le management dans la culture ?
Depuis 2011, il y a eu une évolution certaine. Avant la révolution il n’y avait pas beaucoup de production. Aujourd’hui, il y a plus de spectacles, de projets, et surtout plus de diversité. Il y a vraiment une recherche de nouveaux talents.
Toutefois, depuis un an et à la suite de la crise du Covid-19, le management de la culture est en stagnation. C’est comme si un élan avait été perdu. En Tunisie, le secteur culturel vit beaucoup du spectacle vivant, surtout pour la partie concert, cela a donc été très compliqué financièrement pour les artistes.
Est-ce que la notion de réseau fait sens pour vous dans le secteur de la Culture ?
Le réseau c’est la base 😉. S’il y avait une échelle de priorité ce serait d’abord le réseau, ensuite les compétences [rires]. En Tunisie, le réseau est au cœur du secteur culturel. D’une part, j’ai toujours réussi à monter d’autres projets et à rencontrer d’autres personnes à travers mon réseau. D’autre part, le moyen privilégié pour trouver une nouvelle mission / un nouveau projet est la recommandation. Ainsi quand un projet démarre, il y a systématiquement le réflexe d’appeler son réseau pour demander tu connais une personne qui fait…, ou je cherche une personne qui… et il finit toujours par avoir de nouvelles connexions.
Qu’auriez-vous envie de transmettre ?
D’une part il est important de connaître ses droits pour négocier avec les autres parties prenantes au projet, d’autre part il faut savoir se tenir au courant des nouvelles législations.
En tant que manager culturel, je considère que la plus grande qualité est d’être flexible. En outre, la flexibilité n’est à son plein potentiel que quand tu connais tes droits. En connaissant tes droits tu auras plus confiance en toi, et plus confiance dans les personnes avec qui tu travailles.
L’humain reste important dans notre métier, et une partie de gestion de l’humain se retrouve dans la négociation des droits ; c’est-à-dire que si j’ai l’impression qu’il y a une bonne gestion et un bon calcul de mes droits, je pourrais bien travailler et avoir une bonne relation avec la personne.
In fine, avoir de bonnes relations de confiance permet de développer des projets plus intéressants et de les développer sur le long terme.
Alors à vos droits ! 😉