Tous les mois, Dauphine Culture met en lumière le parcours, le projet, ou la structure d’ancien.ne.s de notre réseau. Pour cette rentrée 2023, nous vous avons préparé une interview croisée de Laëtitia Coquelin et Aurélie Hannedouche, du Syndicat des Musiques Actuelles.
Pourquoi avoir choisi le master Management des Organisations Culturelles ?
LC : Après le Master 1 Gestion des échanges culturels et sociaux en Europe de l’Institut d’études européennes de l’Université Paris 8 – St Denis, j’ai été embauchée au théâtre de l’Etoile du Nord comme assistante administrative en emploi jeune. L’administrateur m’a proposé de suivre, en formation continue, plusieurs modules proposés par l’Université Paris – Dauphine (droit des contrats du spectacle, fiscalité des activités culturelles, mécénat…). Le contenu de ces formations et les intervenants étaient vraiment excellents. Quand j’ai voulu reprendre mes études 5 ans plus tard, je n’ai pas hésité une seconde ni cherché une autre formation, c’était le Master Management des Organisations Culturelles que je voulais suivre.
AH : A l’issue de mes études au sein de l’IUP Ingénierie culturelle de Lille 3 suivi d’un DEA en sociologie consacré toujours aux musiques actuelles, j’ai eu la chance de rejoindre l’équipe de la SMAC la Cartonnerie à Reims à son ouverture et cela au poste de responsable du centre de ressources.
J’y ai exercé pendant 4 ans puis ai ressenti le besoin de me perfectionner en management en vue de continuer à évoluer dans le secteur culturel et d’endosser davantage de responsabilités.
Quel a été l’impact de cette formation sur votre parcours professionnel ?
LC : Elle a permis de consolider mes compétences en comptabilité, en gestion, en droit et dans d’autres matières indispensables à la gestion et l’administration d’une entreprise du spectacle. C’est vraiment grâce au Master Management des Organisations Culturelles que je me suis forgée en tant qu’administratrice et que j’ai acquis aussi d’autres connaissances qui m’ont été très utiles pour la suite de mon parcours, à la direction d’une MJC ou encore aujourd’hui dans mon poste actuel.
C’est aussi lors de cette formation que j’ai rencontré Aurélie Hannedouche qui travaillait à l’époque à la Cartonnerie de Reims et a rejoint le Syndicat des musiques actuelles (SMA) à l’issue du Master en 2009. On est toujours resté en contact depuis, comme avec d’autres anciens d’ailleurs.
AH : Cette formation suivie en continu a permis de donner de la perspective à mon métier. Le master a aussi permis de compléter mes connaissances grâce à de solides acquis en comptabilité, en finance, en droit, en gestion de projets, etc.
Mon objectif n’était pas de devenir administratrice de structure culturelle, mais cela m’a permis d’acquérir les compétences en vue de superviser le pilotage de telles structures et cela est indispensable.
Par ailleurs, comme le dit Laetitia, le mélange des étudiants aux profils divers (théâtre, cinéma, danse, architecture, etc.) au sein de la formation est une vraie ouverture d’esprit supplémentaire. Il permet de mettre en perspective les enjeux de sa propre discipline artistique dans le secteur culturel plus largement.
Enfin, les amitiés nouées pendant cette année perdurent pour beaucoup et c’est un vrai plaisir de continuer à nous voir entre anciens et plus spécifiquement de partager la direction du SMA avec Laetitia avec qui nous sommes très complémentaires.
Pouvez-vous nous parler du poste que vous occupez actuellement ?
LC : J’occupe le poste de directrice adjointe du Syndicat des musiques actuelles aux côtés d’Aurélie Hannedouche qui est donc issue elle-aussi du Master et de la même promo.
Mon poste contient à la fois des missions de gestion interne (pilotage budgétaire et financier, gestion RH du syndicat) et des missions tournées vers l’extérieur comme par exemple, l’accompagnement juridique de nos adhérents ou encore la participation au dialogue social au niveau des branches professionnelles.
Je représente ainsi le SMA dans les négociations des deux conventions collectives du spectacle vivant (CCNEAC et CCNSVP) et supervise celles dans l’Edition phonographique.
L’accompagnement juridique de nos adhérents consiste essentiellement à répondre à leurs questions mais aussi à les devancer en produisant des notes, des modèles ou encore en proposant des formations sur différents sujets (droit du travail, code de la propriété intellectuelle, droit des contrats, management…). Nous sommes deux, avec ma collègue juriste, à assurer le service juridique et n’étant pas omniscientes, nous faisons régulièrement appel à des conseils extérieurs (avocats, experts-comptables, consultants etc.).
J’ai aussi la chance de pouvoir développer des projets structurants pour nos adhérents comme par exemple, le parcours d’accompagnement à la fonction de direction d’un lieu de musiques actuelles que nous avons créé avec la Fédération des lieux de musiques actuelles et lancé en février dernier en partenariat avec le Centre national de la musique. Avec la FEDELIMA, nous faisions le constat qu’il était de plus en plus difficile de recruter sur les postes de direction et de fidéliser les nouvelles recrues. En plus de faciliter la prise de poste des nouvelles directions ou permettre à des directeurs.trices en poste de remettre en perspective leurs pratiques en renforçant leurs compétences dans les domaines fondamentaux de la fonction de direction, cet accompagnement a été pensé pour encourager la transmission entre pairs et la solidarité professionnelle au sein du secteur en favorisant l’analyse et l’échanges de pratiques entre participant.e.s.
On espère aussi décrocher l’appel à projets du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (FACT) et mettre en œuvre dès septembre 2023 une action collective visant à améliorer l’attractivité du secteur des musiques actuelles en agissant sur les conditions de travail. Deux projets très stimulants qui répondent à la fois aux besoins de nos adhérents et aux enjeux de la filière.
AH : Je suis donc directrice du SMA.
Le poste a considérablement évolué depuis mon arrivée au sein du syndicat à l’issue du master en 2009. En effet le SMA a été créé en 2005 et j’en ai été la première salariée à temps plein et aussi la seule à l’époque alors qu’aujourd’hui nous sommes une équipe de 6.
Mon poste consiste essentiellement à représenter les 600 structures adhérentes du syndicat dans certaines instances, comme le CNM – centre national de la musique – où je siège au CA, ou auprès de la puissance publique : gouvernement, parlement ou collectivités.
Notre rôle s’est encore accru pendant le covid où les entreprises des musiques actuelles avaient perdu tout repère et nous avons senti leur besoin de pouvoir s’appuyer sur le SMA. Nous avons donc doublement travaillé pendant ces mois pour les aiguiller au mieux.
Mon rôle a alors consisté à négocier des aides pour que le secteur ne s’effondre pas, mais aussi à demander à ce que les concerts en configuration debout puissent reprendre au plus vite.
Depuis la fin du covid, je suis particulièrement en lien avec le gouvernement au sujet des conditions d’exercice de notre profession : gestion sonore, concomitance prochaine des festivals et des JOP 2024, problème d’attractivité de nos métiers, hausse des coûts énergétiques… Un de nos enjeux forts actuels est aussi le financement du CNM, un rapport sénatorial vient d’être publié à ce sujet et nous nous réjouissons des préconisations qui en ressortent. Mon travail consiste donc notamment à faire en sorte que celles-ci soient adoptées lors de la prochaine loi de finance.
Je suis aussi les questions de transition écologique propres à notre secteur, nous avons ainsi lancé un projet collectif en vue de contribuer à décarboner la filière des musiques actuelles : Déclic, pour décarbonons le live collectivement. Ces sujets sociétaux me passionnent aussi et la culture doit y prendre ses responsabilités.
Pourquoi avoir choisi de travailler au sein du Syndicat des Musiques Actuelles et quelles en sont les particularités ?
LC : J’ai été adhérente du SMA avant d’y travailler. Je me reconnais complètement dans les valeurs qui sont défendues par le syndicat depuis sa création.
Le SMA représente près de 600 petites et très petites entreprises de la filière des musiques actuelles : salles de concerts, festivals, producteurs de spectacles, labels, centres de formation, radios, fédérations et réseaux. Nos adhérents ont en commun de développer leurs projets dans une logique de lucrativité limitée et se reconnaissent dans un certain nombre de valeurs comme l’indépendance, tant vis-à-vis des pouvoirs publics que des grands groupes capitalistiques, la diversité des propositions artistiques et culturelles mais aussi des acteurs, le soutien à l’émergence et à la création ou encore le développement des pratiques amateurs en tant que missions d’intérêt général et d’utilité sociale, l’ancrage territorial et l’implication des populations etc..
Aussi, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de fierté que j’ai rejoint l’équipe du SMA en 2019 et pris la suite d’Eliane Brunet au poste de responsable du service juridique. Je lui serai éternellement reconnaissante d’avoir suggéré mon nom pour lui succéder à son départ en retraite.
AH : J’ai choisi de travailler au SMA d’abord car depuis mes premières missions de stage ou de bénévolat, c’est bien dans le secteur des musiques actuelles que je trouve un sens à mon action. En effet, dès lors que je ressens l’émotion devant un concert, cela confirme ma motivation à me lever le matin pour aller travailler et à défendre des dossiers parfois ardus.
Ensuite ce qui m’intéresse au SMA, c’est la manière de travailler que nous avons impulsée. Il s’agit d’une méthode très à l’écoute des adhérents, nous travaillons à partir des besoins et demandes de nos adhérents et tâchons de les porter au mieux, je pars toujours du principe que l’équipe est entièrement au service de ses membres et de ses besoins. D’ailleurs au-delà des 6 salariés que nous sommes, ce sont plus de 100 adhérents qui s’investissent aussi pour porter les mandats du SMA, ce fonctionnement est précieux et extrêmement vertueux.
Pour terminer ce qui retient tout mon intérêt au SMA, c’est la typologie des entreprises que nous représentons, ce sont à 75% des associations, mais aussi des sociétés coopératives ou des sociétés commerciales qui défendent une lucrativité limitée : c’est-à-dire qui privilégient la réalisation de leurs projets moyennant un nécessaire équilibre économique bien sûr, avant de viser une rentabilité absolue. C’est clairement cela qui m’intéresse dans mon poste : défendre cette typologie d’initiatives. Je suis convaincue que les musiques actuelles et la culture participent à l’émancipation des personnes, à notre manière de vivre ensemble, de comprendre l’autre… Pour moi la culture est un acte militant et je m’y retrouve complètement avec la gouvernance du SMA avec qui nous partageons ce point de vue.
Pouvez-vous nous confier 3 compétences incontournables pour exercer votre métier ?
LC : Difficile de répondre à cette question en se limitant à 3 compétences…
S’agissant des compétences techniques, je dirais la comptabilité et gestion d’entreprise ainsi que la gestion des ressources humaines pour les missions de gestion interne.
Pour le conseil aux adhérents et la négociation collective, il faut ajouter la maîtrise du droit social mais aussi des conventions collectives que négocie le syndicat et la réglementation du spectacle.
La gestion de projets est aussi un atout pour développer des actions et partenariats au service de nos adhérents.
La diversité des missions confiées et compétences mobilisées nécessite donc un très bon sens de l’organisation mais aussi une certaine adaptabilité et agilité intellectuelle.
AH : L’écoute, la réflexion, la détermination.